Tuesday, February 7, 2017

The Goddess (神女) 1934. Impressions.




    
     La nuit tombe. On éclaire les rues. Une femme s’apprête à sortir d’une chambre simple, laissant son enfant s’endormir seul. Le long des chaussées, dans sa qipao, elle attend qu’on vienne l’aborder. Dès ces premières scènes, le monde nocturne de Shanghai nous imprègne. La ville est bien là, omniprésente, oppressante avec ses immeubles modernes cernés de lumières. Mais avec ce crépuscule l’histoire ne commence pas, elle est déjà sur sa fin. C’est en tous cas l’étrange sentiment qui émane des premières minutes. N’arriverions-nous pas en cours de film ? Non, il semble que le réalisateur réclame notre regard pour jouer le dernier combat d’une femme dont le destin est (on le pressent) déjà fixé. Comme si la fenêtre éclairée de la chambre, un des premiers plans, annonçait déjà les barreaux de sa future prison. 

     La chute en elle-même de l’héroïne ne nous est pas contée, c’est Shanghai, cadre urbain tentateur et viciateur, qui parait suffisant pour l’imaginer. Son parcours dans l’ombre, la Divine reste mystérieuse. Mais l’essentiel, ce qui est donné à voir dans ce film, c’est la beauté d’une femme déjà perdue et rachetée, sauvée par son dévouement sacrificiel pour son fils. Cette thématique illustre bien l’idéologie des studios Lianhua de l’époque, leur volonté éducatrice, édifiante. Prisonnière d’un homme qui dilapide aux jeux l’argent qu’elle gagne au prix de sa réputation, prisonnière de cette réputation qui fait s’évanouir son espoir d’offrir une éducation au seul être qui la tient au monde, prisonnière d’une société shanghaienne finalement toujours aussi ancrée dans ses archaïsmes malgré son nouveau vernis urbain occidentalisant. On ne s’étonne pas de voir cette métaphore carcérale enfin s’incarner. Dans ce paysage qui éclaire les tourments des plus pauvres, la figure du principal de l’école, symbole du juste chemin que la nation devrait suivre, ne fait que renforcer, par contraste, l’injustice d’une société insensible. Une société écrasante, réfractaire aux droits essentiels, à son devoir éducatif universel. Un des plans, filmé au ras du sol, qui illustre cela à la perfection, montre la mère effondrée et son fils qu’elle protège encadrés par l’ouverture triangulaire, dominatrice, des jambes du joueur.  

     Tout le film, puissant dans son silence, par son silence même, est parcouru par une insaisissable fatalité qui fait de son héroïne une déesse tragique. Déjà divinisée.     

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