Wednesday, February 15, 2017

Kerlan chapitre 10 : « Une aventure collective : faire un film à la Lianhua »




     Dans ce chapitre, Kerlan décrit les différentes phases de la production d’un film dans la compagnie Lianhua, de l’écriture du scénario aux premières projections internes, en passant par le plus ou moins long tournage.
Lianhua huabao, 1er janvier 1937, 8.4, p. 13 : La Symphonie de la Lianhua : « Nous marchons en éclaireurs, ouvrant la voie »
http://ombrel.hypotheses.org/hollywood-a-shanghai-lepopee-des-studios-lianhua-1930-1948/hollywood-a-shanghai-lepopee-des-studios-lianhua-1930-1948-documents-darchive/hollywood-a-shanghai-lepopee-des-studios-lianhua-1930-1948-la-promotion-des-films
                  
     La Lianhua, par le biais de ses magazines offrait aux lecteurs, et certainement futurs spectateurs, un moyen de suivre ce parcours complexe et semé d’embuches. Cette image cohérente et bien pensée était construite pour donner à voir une dynamique collective. Ainsi la « visite des studios » agrémentée par des photographies devait montrer le « vivre ensemble » propre à la compagnie en insistant par exemple sur la proximité entre les lieux de vie (comme les dortoirs) et les lieux de tournage. Compagnie cinématographique novatrice, la Lianhua met autant en scène sa propre organisation de production que ses films.

     Une question se pose peut-être : pourquoi un tel besoin de communication ? Cela n’indique-t-il pas déjà la faiblesse de ses films ? Non comme œuvres d’art mais comme médias suffisant pour répondre à une curiosité consternant le monde du cinéma ? Pourquoi la compagnie s’appuie-t-elle autant sur un mode d’expression parallèle ? Cela donne l’impression que la construction du mythe de leur entreprise nécessite une « traduction » pour bien mettre en évidence l’idéologie qu’ils revendiquent… (donc : ou la production n’est pas assez claire et efficace, ou la population manque de clefs de lecture, ou cela reflète simplement l’idée que, plus que les films qu’elle produit, la Lianhua s’attache à son image…). 

     Autre question liée à ce dévoilement important des « coulisses » par le biais de l’écrit et des photographies : est-ce que cette façon d’éclairer l’envers du décor ne brisait-elle pas le charme de la magie des salles obscures où l’on se plait généralement à rester dans l’illusion du réel que propose la fiction ? (Il est vrai que la Lianhua proposant un modèle, de société cette coupure (avec la production en elle-même) n’était peut-être pas recherchée). Mais quel était le positionnement des spectateurs ? 

     La première étape, celle de l’élaboration du scénario était particulièrement importante pour la Lianhua, qui, n’ayant pas les moyens de Hollywood, misait avant tout sur une trame narrative (visuelle) de qualité. Les films devaient amener « les spectateurs à réfléchir tout en laissant des impressions profondes ». Quant aux sujets (privilégiés) de « société », ils devaient toucher un très large public. Ces scénarios, parfois inspirés par la littérature étrangère étaient généralement écrits par la Lianhua et passaient ensuite par un « Comité d’examen » composé de réalisateurs, scénaristes, directeurs : cela permettait une sorte d’uniformisation. Le tournage, plus libre, pouvait se faire à l’intérieur avec des décors, ou en extérieur (à Suzhou par exemple), mais jamais la Lianhua ne regardait à la dépense. On note toutefois que les tournages en extérieur ne se faisaient jamais lorsque le film portait sur le petit peuple urbain, les décors étant alors privilégiés. Y avait-il une raison à cela ? Pourquoi l’aspect « documentaire », possible pour les campagnes ne l’était pas pour le milieu urbain ? 

     Dans ce chapitre, Kerlan mentionne aussi le très tardif passage au parlant de la Lianhua (une de ses spécificités). Contrairement à la Minxing, la Lianhua a privilégié la musique et le chant. Les problèmes étaient en effet nombreux (manque de technologie, coût élevé, salles non équipées, problème des langues…) Enfin, en ce qui concerne la censure, on peut être étonné par le fait qu’à Shanghai c’est l’instance de censure locale, le Shanghai Municipal Council qui a posé plus de problèmes que la censure nationale de Nankin mise en place à partir de 1934…

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